- Citation :
- Les fonctionnaires font partie des classes moyennes mais aussi des classes pauvres ou qui se paupérisent en France en fonction de leur situation géographique !
Les fonctionnaires "normaux", et en particulier les futurs profs que nous sommes, sont une "classe paradoxale". Sociologiquement parlant, leurs revenus les placent du côté de la classe moyenne inférieure, mais leur comportement culturel est celui des classes supérieures. Economiquement parlant, ils jouissent d'une solidité qui leur est propre, le "bol de riz en fer" comme disent les Chinois d'un emploi à vie, et d'une faiblesse qui leur est aussi propre, que tu mentionnes : leur invariance géographique. Non seulement la définition de leur salaire n'obéit à pratiquement aucune donnée géographique (et quand c'est le cas, c'est en sens inverse ! Un prof aux DOM-TOM perçoit une indemnité, alors que le coût de la vie est moindre), mais aussi le déterminisme économique qui devrait présider à leur "usage" (j'ose pas dire "praxis" pour ne pas faire pédant) de l'espace joue moins, voire pas du tout. Leur lieu de travail n'est pas en rapport avec leur situation économique (pour caricaturer : le prolo pauvre travaille dans une usine à Aubervilliers, le cadre sup riche travaille dans un siège social à la Défense ; le prof ou le flic peut travailler auprès de l'un ou de l'autre indifféremment) ; leur lieu de résidence, souvent, non plus (logements de fonction, obligation légale de résidence, "nécessité de fonction" ou "commodité de fonction", comme on distingue subtilement dans le jargon etc.).
- Citation :
- La paupérisation, c'est un phénomène dynamique qui s'inscrit géographiquement et qui est lié à une situation et une conjoncture économique ( redéfinissez si c'est pas bien ). Et, je voudrai comprendre, est ce qu'en géographie parler de précarité c'est la même chose que paupérisation ? Vraisemblablement, les médias utilisent le premier pour ne pas "choquer" ou ne pas avouer qu'en même temps que le pays s'enrichis globalement, il s'appauvrit chez les particulers.
J'ignore s'il existe des définitions officielles de ces termes en géo.
Historiquement parlant, le terme de "paupérisme" et tous ses dérivés remonte au 19e siècle, à la révolution industrielle (Littré le définissait encore comme "néologisme"). Le TLF dit :
- Citation :
- État permanent de pauvreté d'une certaine classe sociale, ou de toute une population.
Mais je crois que la définition du TLF est un peu en deçà de la réalité d'usage, et l'exemple de Michelet qu'il donne est intéressant :
- Citation :
- Chaque famille, à chaque génération, compte un héritier et cinq ou six pauvres. Le paupérisme est ici fondé par la loi
La notion de paupérisme désignait, dans l'usage des penseurs du 19e (de tête, j'ai vu ce mot chez : Tocqueville, V. Hugo, et Louis-Napoléon Bonaparte qui, dans sa jeunesse, proche des Saint-Simoniens, avait écrit un livre appelé
l'extinction du paupérisme) un état de pauvreté d'une part caractérisé par sa masse, et d'autre part envisagé comme une conséquence structurale d'un système économico-politique, constaté chez Tocqueville et critiqué chez V. Hugo.
Il me semble qu'à tout le moins, on parlera "d'appauvrissement" quand il s'agit simplement de parler d'individus, et de "paupérisation" lorsqu'il s'agit de désigner ce qui accompagne cet appauvrissement dans la vie sociale de ses individus : dont l'espace à toutes échelles (le logement, le quartier, la mobilité) et les rapports sociaux.
Quant à "précaire", son étymologie est assez étonnante : "precari" signifie prier !
Seul chose qui demeure au pauvre, en somme, avec la révolte, pourrait-on penser, mais ce n'est pas là l'origine*.
*Hors-sujet total, mais la relecture obstinée de la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel de Marx & Engels fait à mes yeux partie d'une certaine hygiène intellectuelle dans cette vallée de larmes qu'est notre époqueEst "precarius" ce qui s'obtient par la prière. D'où ce qui est donné par complaisance, à titre gracieux. D'où, en droit romain, ce qui est donné à titre de concession mais qui est toujours révocable (en particulier : un bien mobilier).
Faisons plaisir à Homogeographicus, modélisons : dans un diagramme où l'abscisse représente le déroulement du temps et l'ordonnée le niveau de richesse, la précarité ne s'analyse pas en verticale (ce n'est pas forcément, en soi, le niveau de richesse que je possède actuellement) mais à l'horizontale : la probabilité que j'ai de le garder.
Un vacataire, dans l'éduc' nat', gagne en théorie autant qu'un récent titulaire : 104 % du smic. Si l'on considère (question toujours très subjective : quand est-on pauvre ?) que ce revenu-là n'est pas de l'ordre la
pauvreté, alors nous dirons que le vacataire n'est pas pauvre. Mais contrairement à son collègue qui gagne autant, il est précaire, car il n'est pas sûr de pouvoir maintenir son niveau de revenu (et même il est sûr du contraire).
Peut-on appliquer le concept de "précarité" à la géographie économique ? (On le fait, me semble-t-il, dans un tout autre sens, en écologie : comme disait ma prof de sciences-nat que j'adorais, la bouse de vache est un biotope précaire). J'en sais rien. Il me semble quand même que l'échelle temporelle considérée rend difficile d'envisager des changements "brusque", comme ils peuvent l'être au regard d'une vie humaine. A aucun moment la première périphérie des villes américaines type Brooklyn n'a été "précairement riche". Elle a été riche, puis petit à petit elle s'est paupérisée. Mais sur cette question, je ne suis pas du tout compétent. Mig ?
Mais d'accord avec toi pour l'usage journalistique, qui n'est pas très précis.